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INTERVIEWS & CRITIQUES


Sommaire

Interviews

L'énigme

Critiques


1 / INTERVIEWS

2008 / Parlez moi d'Amour - l'amant de minuit - par Gabrielle Stefanski




2 / L'ÉNIGME D'UNE ABSENCE DÉLIBÉRÉE


UN ARTISTE INCONNU

En 1986, Séroux, aux cotés de Wim Delvoye, Angel Vergara, et quelques autres, il est l'un des finalistes du prestigieux "Prix de la Jeune Peinture Belge" et exposé au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles - BOZAR.

 

La presse veut le rencontrer. Il est introuvable.


SA VIE COMME UN ROMAN

Sa vie est ailleurs, quelque part dans l'océan indien sur une île située entre l'Australie et l'Ile Maurice, hors des routes maritimes et touristiques : l'île Rodrigues. 

 

Il y séjourne un livre à la main : "Voyage à Rodrigues" de Jean-Marie Gustave Le Clézio qui sera plus tard prix Nobel de littérature.

 

Avec un livre

L'Ile Rodrigues, Le Clézio la décrite comme « issue de la mer, portant sur elle l'histoire des premières ères : blocs de lave jetés, cassés, coulées de sable noir, poudre où s'accrochent les racines de vacoas comme des tentacules. » 


UNE QUÊTE EXISTENTIELLE

L'écrivain y était passé pour rédiger in situ l'histoire de la quête de son grand-père : 

«N'est-ce pas comme pour le personnage de Wells, pour chercher à remonter le temps ?» 

 

Il se demandait comment cet homme, avait pu endurer pareilles conditions de vie pendant des années, pareille solitude, comment définir son obsession, cerner avec des mots "cette fièvre du chercheur d'or", « le langage est un secret, un mystère »... 


Cette obsession, cette recherche harassante d'un trésor hypothétique, c'est avant tout la quête d'un bonheur perdu.

 

Le Clézio est frappé par le contraste entre l'obsession solitaire de son grand-père et la guerre totale de 14/18 qui fait rage en Europe.

 

Contraste aussi entre un rêve irréalisable d'un homme pendant qu'un monde ancien s'effondre dans la destruction.

 

Or même sur cette île minuscule, la guerre va s'imposer par l'ombre de sa présence inquiétante.


LA QUESTION

« Comment oublier le monde, écrit-il, peut-on chercher le bonheur quand tout parle de destruction ? »

 

C'est ainsi : « Le monde est jaloux... il vient vous retrouver là où vous êtes, au fond d'un ravin, il fait entendre sa rumeur de peur et de haine... »

 

Lui aussi, J.M.G Le Clézio, le petit-fils, se sent floué par ce voyage : 

« Maintenant je le sais bien. On ne partage pas les rêves ».

 

La vie d'artiste est tellement particulière qu'elle se vit la plupart du temps seul. 



En 1983, Séroux séjourne dans cet état d'esprit, plusieurs mois, dans l'île d'HIVA OA aux Marquises - Polynésie française. Il y retournera plus tard (voir ses carnets). Puis il vit principalement à Paris jusqu'en 1986.

 

En 1990, on le retrouve à Tokyo où il collabore à une exposition collective d'art contemporain in situ belgo-japonaise dont France Borel, tirera un livre.

 

Leur intérêt commun pour l'Inde, l'humour et la mise à distance des rails occidentaux en feront des amis très proches jusqu'au décès de France à l'ile Maurice en 2021


France Borel elle aussi allait un jour décider de démissionner de la vie sociale, de la direction de l'Ecole Supérieure d'Art de La Cambre pour parcourir le monde et s'y retrouver.

 

Elle et lui avait ce sens du retrait en partage.


En 1991, il participe à une exposition collective au Musée Art & Histoire de Bruxelles. Il aura deux expositions personnelles à Tokyo sans s'y rendre.

 

En 1996, il est finaliste du prix Europe de peinture de la ville d'Ostende au côté de Michaël Borremans.

 

À partir de 1997,

La galerie Fred Lanzenberg le montrera pendant une dizaine d'années, par quatre expositions dont un one man show à la foire d'Art Brussels. Un tableau sera acquis par le Musée d'Ixelles.

 

En 2008, exposition au Musée des Beaux-Arts de la ville de Tournai : Séroux - Manet / De la coupe aux lèvres.


2011, dernière exposition chez Fred Lanzenberg sur le refus du galeriste de s'ouvrir hors des attentes de sa clientèle.

 

En 2019 parait aux éditions Odile Jacob un essai qu'il coécrit sous l'hétéronyme de Paul Qwest avec Elisa Brune, à propos de ce que l'art et la science transforment en nous: "Nos vies comme événement".


Sa vie à l'envers

Son tempérament d'artiste implique que quelque chose se vive à l'envers: Il s'agit du  contraire d'une quête - il se trouve que... - et d'un écart comme si, pour saisir la dimension de la terre, il fallait aussi pouvoir la regarder depuis la lune.

Peindre est un désir non par le manque, mais bien par surcroît. A la manière des artistes  bruts, il n'a aucune ambition ni sociale ni matérielle.

 

Les choses se produisent d'abord dans la vie puis se traduisent dans l'atelier, sans autre dessein que la tentative de transpositions divers, montrée aux amateurs, et présentes dans quelques musées & collections.



3 / critiques



1991 / Asakusae - Orientation 50°nord

1991 - Asakusae -Orientation 50°nord

le soir - Samedi 25 mai 1991

Dix artistes belges au Japon

Keskseksa Asakusaé-Orientation 50° Nord ?

 

 

Quelques photos aux murs, dix minutes de télé nipponne. Des idées et des sensations plein la tête, c’est tout ce qui reste d’un voyage d’un mois de dix artistes belges à la rencontre de l’art au pays du Soleil levant. C’était vraiment la lune, raconte Jean d’Outremont qui est un des heureux élus des sponsors d’Asakusaé-Orientation 50° Nord, cette exposition d’échange d’art contemporain Japon/Belgique. Tout est tellement différent à Tokyo. L’artiste y vit comme un chien. Nous avions de la chance, logés, nourris à l’oeil. Nous étions basés dans une école inoccupée.

 

Pendant un mois, Thérèse Chotteau, Jean d’Outremont, Évelyne Dubuc, Monika et Bernard Hubot, Michel Mouffe, Veerle Pinckers, Séroux, Christine Wilmes, Bernard Villers et Catherine Warmoes s’en sont donné à coeur joie pour décorer les anciennes classes d’oeuvres réalisées sur le tas. Ils avaient carte blanche et rivalisaient en originalité avec leurs « zomologs » japonais.

 

Ce qui est étrange dans ce croisement de cultures, poursuit Jean d’Outremont, c’est l’abolition des préjugés. Ici, les gens ont une image d’un art japonais très sobre, très dépouillé. Alors que la tendance actuelle vire plutôt vers la surcharge des éléments. Et nous qui avons plutôt une histoire de l’art baroque, nous sommes à la recherche de la ligne pure.

Ainsi, les Belges ont réalisé une rangée de croissants de plâtre suspendus à l’aide de bandes de papier collant. Une chaise et quelques briques éparses investissent l’espace d’une classe. Un délire de graffiti au fusain mange un mur. Des silhouettes à la craie estampillent la cour de récréation, comme si un massacre à la tronçonneuse s’y était déroulé.

 

L’expo tourne encore à Tokyo et les Belges se préparent déjà à accueillir les artistes japonais au Cinquantenaire. En novembre.

 

Hermine BOKHORST


1995 / Le Regard

Depuis le XVème siècle, les peintres de la réalité ont toujours tenté de concilier la restitution fidèle du sujet et le respect des lois propres au langage pictural.

Dans cet esprit, Séroux a déjà présenté des vues urbaines, intégrant ce que l’œil voit d’un univers moderne et l’interprétation graphique que la main peut en rendre.

 

Dans ses travaux récents, il retourne le propos. Il s’agit moins de montrer un point de vue que de montrer ‘du point de vue’ du peintre.

Faisant écho aux nombreux pièges à regards qui parcourt l’histoire, de Van Eyck au Hyperréalistes, Séroux propose ici une suite de scènes qui parlent du plaisir de voir et de saisir l’instant du regard ? S’il ne pose pas véritablement de mise en abyme, il en est néanmoins fort proche : visiteur observé, que lui-même contemple un tableau dans un tableau.

 

Double jeu des regards des choses vues. Le peintre est absent ; il n’en est pas moins indiscret : il observe son sujet de dos, à bonne distance, parfois même se dissimule derrière une paroi du musée. Comme chez Vermeer, l’œil fait irruption dans un univers, celui d’un visiteur attentif, ou rêveur, ou distrait. S’y ajoute une citation muséale : l’objet du regard n’est ni une lettre, ni une fenêtre, mais un tableau. La peinture est donc au centre du musée, destinée à être vue. Il en fait ainsi l’objet même de son travail, et par là, invite à divers niveaux de lecture.

 

En citant chaque fois une œuvre ancienne, Séroux évoque les innombrables copies des musées, en même temps qu’il affirme le plaisir d’une façon allusive. Cette liberté se trouve aussi dans la construction d’une géométrie frontale, dans la sélection très précise des tons, dans les collages arbitraires de plans monochromes et de scènes illusionnistes. C’est d’ailleurs un sujet qui est capté, avec la volonté de restituer un espace, croquer une pose, y distribuer des lumières. Si tout est fiction, puisque chaque élément est rapporté, l’instant se veut pourtant vraisemblable.

Séroux rappelle Hopper, réaliste lorsqu’il fixe un être humain dans un espace conçu comme décor,mais abstrait par l’épuration. La suite des tableaux exposés forme une ensemble de plan-séquences et de cadrages qui évoque le cinéma ou la photo : ils confrontent chaque fois l’espace immuable d’un musée et les instantanés d’un geste de visiteur.

 

Ambiguïté que vivra l’amateur lorsque, seul face à un Séroux, il sera lui aussi observé par l’œil indiscret.

L’on pense à Tournier. Par la perspective, le dessin fuit vers un horizon lointain, mais il avance aussi et emprisonne le spectateur…

La porte s’ouvre sur l’infini, mais vous vous trouvez définitivement compromis.

 

Vincent Cartuyvels

Historien d’Art | juin 1995


1998

" Arpenteur patient de lieux d'exposition comme les musées ou les galeries. Seroux tire des tableaux auxquels sa grande maîtrise technique confère une impression de réalité photographique. Aujourd'hui, le peintre a renoncé aux anecdotes (spectateurs et œuvres célèbres identifiables), et privilégie des lieux vides, presque anonymes. Une tension subtile s'établit alors dans l'œuvre : y voit-on une image identifiable, froide, ou une construction de formes abstraites ? 

 

Au déclin du jour, nous regardons en nous-même et savons finalement distinguer de tout ce qui nous avait semblé réel jusque là, l'unique réalité possible : celle que nous inventons  "

 

X, Les images inquiétantes de Seroux, in : Le Vif l'Express, février 1998.


L’apparition de Séroux aux cimaises est relativement récente. Ce jeune peintre bruxellois s’était distingué lors d’un concours organisé par le commune de Woluwé. Dans le fatras des envois qui sont la loi du genre et qui oscillent entre une abstraction usée jusqu’à la corde, le barbouillage pur simple, et les velléités post-conceptuelles, son approche de la peinture avait fait quasi l’unanimité du jury.

 

Au moins, Séroux tranche sur l’offre générale avec un métier accompli qui s’attache à peindre des intérieurs de musées tirés au cordeau, toiles très construites et hyperfiguratives où les cimaise sont prétexte à des plans strictes sont l’absolue lisibilité recèle évidemment des intentions cachées. Les figures qui habitent ces espaces, simples visiteurs penchées sur des chefs-d’œuvre, ont moins un caractère anecdotique qu’ils ne sont les faire-valoir de lieux et pratiques culturelles somme toute assez étranges.

 

Les musées, leurs usagers, leurs équipements pédagogiques, la peinture, son pouvoir, ses limites imposées par le cadre mais aussi par la vie, bref l’art en converse, le sujet, après tout, en vaut bien un autre. Sans aller jusqu’à dire qu’une réflexion philosophique étoffe ces espaces, il est évident que des images séduisantes et qu’elles se démarquent totalement de l’hyperréalisme auquel on serait peut être tenté de les ramener. De même, il est évident que Séroux est un vrai peintre. En fait, rien de moins photographique et de plus décalé que ces compositions qui cadrent des .. cadres et décomposent en pans bien droits et bien propres notre rapport à l’art.

 

Observation par le petit bout de la lorgnette qui ne tombe pas dans le piège de la dérision mais ne va pas non plus sans ironie, notamment vis-à-vis de l’art construit, confusion entretenue entre le contenant et le contenu, effet de miroir, ils suscitent un léger vertige qui s’accroît au fur et à mesure que l’artiste fait du chemin et mesure les dangers d’une peinture trop systématique. Les espaces gigognes, les emboîtages servis par une palette riche et un réel plaisir de peindre, les plans abstraits contribuent de plus en plus à refouler le premier degré dans les marges d’un propos plus large qui fait des consommateurs de cimaises d’impénitents coureurs de chimères.

 

Danièle Gillemon

Le Soir | février 1998


2008 /

l'exposition au Musée des Beaux-Arts de Tournai : Séroux - Manet / De la coupe aux lèvres.

De la coupe aux lèvres

Musée des Beaux Arts de Tournai - Belgique


Introduction

Jean-Pierre De Rycke - conservateur

 

De la coupe aux lèvres, ou du désir d’indiscrétions de Manet à Séroux

Les tableaux d’Edouard Manet du musée des beaux-arts de Tournai ont un point commun.

Ils invitent les visiteurs à être les témoins indiscrets du désir de rencontre d’une femme et d’un homme. Dans ces deux toiles, "elle" apparaît un rien ailleurs alors que "lui" s’avance de biais. Mais d’où vient le génie qui se dégage de ces œuvres si particulières ? Elles incarnent deux contractions : D’une part, celle par laquelle ces couples s’attirent, et d’autre part celle de la peinture qui se rapproche du spectateur. Par le jeu d’un effet de zoom, nous sommes confrontés en plan serré à la question du sens de nos désirs d’indiscrétions. Et c’est comme par effraction que nous assistons au mouvement du désir de rencontre des protagonistes.

 

Manet pour qui " la vérité est que l’art doit être l’ écriture de la vie " nous implique sans détour. Comme il le fit avec "l’ Olympia " et "Le déjeuner sur l’herbe", ces œuvres nous regardent littéralement à mesure que nous nous en rapprochons. « Peindre non la chose mais son effet » disait son ami Stéphane Mallarmé.

Dans sa fameuse conférence de Tunis le 20 mai 1971, Michel Foucault précise que le génie du peintre transforma radicalement notre vision de la peinture :

"Ce que Manet a fait, c’est de faire resurgir à l’intérieur même de ce qui était représenté dans le tableau, ces propriétés, ces qualités ou ces limitations matérielles de la toile que la tradition picturale avait jusque là eu pour mission en quelque sorte d’esquiver ou de masquer. Manet réinvente, ou peut-être invente-t-il, le tableau-objet, le tableau comme matérialité, comme chose colorée que vient éclairer une lumière extérieure et devant lequel ou autour duquel vient tourner le spectateur."

 

Dans cette exposition, à partir des deux Manet, ma peinture interroge la façon dont notre regard est porté sur nos fantasmagories. Je travaille par des juxtapositions de tableaux qui évoquent d’autres œuvres mises en espace. La mobilité du regard invite alors à reconsidérer notre perception par des cheminements de la pensée. L’œil redevient alors le rendez-vous de nos désirs les plus profonds, en particulier celui du franchissement de ce vide qui se contracte de la coupe aux lèvres dans le tableau « chez le Père Lathuille » où il est littéralement représenté.

 


IL Y A LOIN DE LA COUPE AUX LEVRES

Qu’est-ce qui peut donc bien fasciner à ce point Séroux chez Manet et amener le peintre bruxellois à mettre celui-ci « en situation » comme on dit, ainsi que nous avons l’occasion de le découvrir aujourd’hui dans le cadre du festival tournaisien « L’art dans la ville » ?

 

Le hasard ou la fatalité - disons plutôt la providence - tout d’abord, le musée des Beaux-Arts de Tournai étant en effet, ce que l’on ignore encore trop souvent, le seul lieu en Belgique où sont conservées des œuvres de Manet. Et quelles œuvres !

 

Puisqu’il s’agit tout simplement de deux des plus célèbres réalisations du peintre, alors en pleine maturité et possession de ses moyens, deux jalons peut-être et deux repères certains dans l’histoire de la peinture moderne car les deux toiles inondées de couleur et de lumière que vous avez sous les yeux, « Argenteuil » et « Chez le Père Lathuille » datant respectivement de 1874 et 1879, peuvent être rangées parmi les prémices de l’impressionnisme.

 

Quoi de plus naturel dans ces conditions que notre « prince charmant » jeta tout son dévolu sur notre « Belle au bois dormant » - je parle du musée – encore en quête de résurrection.

 

Une certaine idée de la « rencontre » ensuite, et de la séduction – à l’origine du titre choisi par l’artiste, fort inspiré par la philosophie et la littérature, pour son installation.

 

Tout comme Manet aimait à s’introduire dans l’intimité des couples en devenir par l’acuité d’un regard volé, tel un paparazzi de la « Belle époque », Séroux scrute la rencontre privilégiée entre deux individus contemporains, prélude obligé à un rapport plus intime, objectif ultime, mais parfois non avoué, de toute parade amoureuse.

 

Ainsi en va la vie ! Tous deux prolongent à leur manière le thème de la « conversation galante », de la drague pour le dire plus crûment, si consubstantiel à toute une tradition de la peinture, voire de la « culture », française sinon « francophone », et si merveilleusement initiée au début du dix-huitième siècle par Antoine Watteau, le peintre de Valenciennes, dont le musée des Beaux-Arts de Tournai possède également dans ses collections, nouvelle révélation, un éblouissant petit morceau choisi.

 


Mais alors que Manet s’immisce précisément dans la vie de ses contemporains, dont il devient un des témoins, mieux, un des « voyeurs » privilégiés dans toute l’atmosphère de gaieté et de frivolité parisienne environnante, Séroux choisit précisément son antithèse en quelque sorte, un des lieux retranchés par excellence de la vie grouillante de la nature ou de la ville, sorte de temple cloisonné et formaté où se pratique, le plus souvent, avec ou sans prétention, un culte de la beauté et de la contemplation : le musée. Et les rôles sont alors comme inversés.

 

Ce sont cette fois les œuvres elles-mêmes accrochées aux cimaises qui servent de décor, de coulisses ou de miroirs aux affinités se cherchant, se guettant ou se formant dans l’univers feutré des espaces de présentation contemporains.

 

Reflet de deux époques profondément différentes également, malgré un certain hédonisme de surface qui pourrait les rassembler : optimisme, légèreté et insouciance apparentes d’un côté ; sourde inquiétude de l’autre, malaise, enfermement et désenchantement d’une société presque trop parfaite parvenue au comble de sa prospérité matérielle, certes, mais au creux le plus profond de ses idéaux, je n’ai pas parlé d’idéologie, et de son innocence, où la sexualité pure – autre forme de consommation impatiente - aurait désormais définitivement pris le pas sur la rêverie et le sentiment.

 

Mais le charme n’est pas encore définitivement éteint, je le pressens, et pour le revivifier, je vous invite tous, à vous précipiter des lèvres aux coupes !

 

Jean-Pierre De Rycke

Conservateur du musée de Tournai

octobre 2008


2009


Désirs d'indiscrétions

Avant propos de Fred Lanzenberg.

 

Plusieurs années sont passées depuis la dernière exposition de Séroux.

Lent mûrissement d’une oeuvre. Un fait important, le passage de la peinture acrylique à l’huile avec laquelle il obtient de la profondeur. différence qu’un visiteur non averti ne discernera pas de prime abord.

 

Car tout, dans le travail de Séroux , est fait de nuances. Cette oeuvre que j’ai montrée à de nombreuse reprises, n’a cessé et continue de m’énerver, disons plutôt de m’interroger.

 

Il y a déjà longtemps, regardant ses peintures en compagnie de Guy Gilsoul, à coté des oeuvres d’autres artistes, je m’étais surpris à formuler : D’entre tous, il était le seul artiste contemporain que j’exposais. Je laisse à chacun d’interpréter le sens que je pouvais donner à ce terme.

 

Qu’en est-il ?

Séroux nous offre des images claires, lisibles, sans repentir, à priori réalistes. Mais tout est illusion. Richard Lindner écrivait, il y longtemps : Tous les artistes sont des trompeurs. Peut-être dans le sens où ils ont la capacité de nous troubler ou de nous déstabiliser.

 

Dans le cas de Séroux, la lecture ne se borne pas à la première lecture. Mais déjà, nous ne nous bornons pas à regarder un tableau, il nous met dans la position de voyeurs. 

 

 

Dans ses mises en scène ou mises en abîme, nous regardons des personnages de dos, en arrêt devant des tableaux. Et lorsque les tableaux de Séroux sont accrochés, dans une galerie, par exemple, nous voyons des personnes de dos, regardant ses tableaux sur lesquels des personnages admirent des tableaux. Les visiteurs de l’exposition sont devenus, eux-mêmes, des personnages de Séroux. Nous pourrions parler d’une installation.

Voyeurisme, indiscrétion, désir : Dans certains tableaux antérieurs, les Vitrines, les mannequins dans les vitrines, habillés sinon dévoilés. Là, pas d’intermédiaires entre nous et la scène représentée, mais nous pouvons nous surprendre à regarder la scène à la dérobée.

 

Si Séroux avait pris comme sujet des femmes dans les vitrines, l’effet n’aurait pas autre. Ses mannequins sont plus vrais que nature, à tel point qu’il m’est arrivé d’entendre des remarques choquées de visiteuses qui déploraient que ces femmes soient sans tête, décapitées en quelque sorte, ce qui est le cas dans la plupart des magasins.

 

Le faux serait-il plus vrai ?

Les corps qui se cherchent, s’offrent, les bouches qui s’enlacent. Séroux a revisité l’Origine du monde, d’autres artistes l’ont fait avant lui. C’était trop tentant. Les corps emprisonnés d’Akaki, les Bouches carmin sur grand écran, rappel du Pop ou d’images publicitaires. 

 

 

Les écrans de télévision dont un programme pourrait donner lieu à une mise en abîme à l’infini.

 

Et les séquences de films, pas n’importe lesquels, Catherine Deneuve, dans Belle de jour, par exemple.... Les images glacées des magazines de notre vie quotidienne ne nous transmettra jamais la sensualité qui émane de l’oeuvre de Séroux par la magie de la peinture.

 

Dans les tableaux les plus récents, qui donnent lieu à cette exposition, la rencontre avec Manet et la lecture que fait Séroux des deux tableaux du Musées de Tournai, point de départ de l’exposition qui eu lieu au Musée des Beaux-Arts de cette ville : De Manet à Séroux.

 

On pourrait sourire de voir ces deux noms accolés. Tous les peintres, à commencer par Picasso, s’y sont livrés.Il se trouve qu’il rejoint la vision de Manet et s’en explique fort bien sur le site joint qui retrace l’exposition dans ce musée.

 

S’en suit une exploration des autres oeuvres de Manet, tels le Déjeuner sur l’herbe qui fit scandale et correspond au voyeurisme de Séroux. Et il décline les oeuvres du Maître en fragments, gros plans, cadrages quasi photographiques.



SEROUX / Du désir d’indiscrétions

Galerie Fred Lanzenberg 9 avenue des Klauwaerts, étangs d’Ixelles 1050 Bruxelles

 

Un visiteur de la galerie Fred Lanzenberg contemple un tableau de Séroux. Il se tient devant vous. Vous le voyez de dos. Vous le regardez, lui de dos, regardant l’œuvre. A votre insu vous êtes vous-même devenu un Séroux.

Le peintre en effet se plait à saisir des gens de dos tandis qu’ils regardent une œuvre, ils deviennent ainsi partie intégrante du tableau.

 

Ce phénomène de poupée gigogne donne le vertige. Beaucoup d’artistes ont eu recours à ce procédé qui s’apparente davantage à une démarche intellectuelle qu’au geste pictural. Heureusement la peinture de Séroux suit l’idée.

 

Il organise des découpes, cadre des oeuvres de Manet, examine les nus avec une loupe d’entomologiste, campe des visiteurs de musée en jeans et leur donne la dégaine des personnages de l’hyperréalisme américain, il y a du Hopper dans ses clartés, dans ces tranches de vie immobiles et contemplatrices, oserais je dire que devant certains de ses personnages en attente j’ai parfois songé à Robert Guinand.

 

Et aussi à la pièce de théâtre Musée Haut Musée Bas , de Jean-Michel Ribes qui s’amuse, mais depuis les planches, à observer des observateurs et à poser la question du rapport entre le public et l’oeuvre regardée..

Le voyeurisme n’est pas absent de cette démarche, on regarde ici l’origine du monde de Courbet, les passions humaines de Jef Lambeaux, d’autres inspirations comme L’empire des sens et aussi un bijou qui se cache au dernier étage de la galerie et qui montre un homme étendu à la Tate Gallery, il regarde en l’air, l’évènement a eu lieu, des gens se sont étendus sur le sol pour contempler le plafond, mais la toile de Séroux avait devancé l’histoire.

 

Tout est affaire de regard chez Séroux, les nôtres et ceux des autres, regards indiscrets, désirs d’indiscrétions, voyeurisme d’esthètes, vices ici impunis, à aller assouvir d’urgence aux cimaises de la galerie Lanzenberg du 24 avril au 30 mai.

 

Anne-Michèle Hamesse Avril 2009.


Séroux, Edward Hopper contemporain

Le célèbre peintre américain s'était fait une spécialité des salles de cinéma et de théâtre, des chambres d'hôtel, des bar et des cafés, de l'américan way of life.

 

Sans le vouloir, en réitérant son intérêt pour les musées et les galeries d'art, la sociologie du comportement et surtout la construction rigoureuse et la beauté picturale, Séroux marche dans ses pas. Mais il joue aussi du rapprochement avec l'image artistique (Manet), de l'illusion et du voyeurisme du spectateur.

Très belle exposition chez Lanznberg "contemporaine" sans peindre le fil de la peinture.

 

Danièle Gillemon 

Le Soir - 29 avril 2009


D'étranges images détournées

PEINTURE INTRIGANTE, REGARDS ETRANGES? L'ART EN QUESTION...

Cette exposition confirme non pas la qualité picturale d'un artiste pour qui le fait meme de peindre serait un pis-allé (ce qui est totalement faux), mais bien l'aspect ludique, obsessionnel, intellectuel, d'un travail qui enjoit le spectateur à en saisir les facettes. Et, plus que tout, l'intention cachée, continue, d'un peintre qui se fait un devoir de nous rendre partie prenante de tableaux en constante redéfinition d'un spectateur à l'autre. Ce peintre pense-t-il d'abord à ce qu'il peint et veut démontrer, avant que de savoir comment le peindre ?

 

La question qui brûle les lèvres du regardeur d'un tableau de Séroux, dans lequel tout le monde ne semble pas regarder la  même chose ni dans la même direction, est celle-ci : pourquoi peint-il ainsi des scènes qui, sans être réalistes, reflètent un air du temps qui attise nos méninges ? Veut-il que nous nous positionnions par rapport à la scène décrite ou, plutot , en considération des suplus visuels, sensuels, psychologiques ou phénoménologiques, que l'histoire déposée sur la toile avec ses non dits provoque ? L'air printannier, la lumière ambiante, la légèreté du temps, nous voici dans un climat propice à scriter. Mais scruter quoi?

 

Il y a trente-six histoires à déceler sous la couche picturale, à l'huile le plus souvent, des peintures de séroux. Elles revisitent l'histoire même de l'art - transposition de Manet, de Jef Lambeaux, d'Ingres et de Bunuel subitement associés par gros plans et corps de femmes interposés, de Rodney Graham, de Roberto Longo, de Luc Tymans. Elles piègent la reproduction aléatoire en la complétant d'exergues tendancieux, fallacieux, scupuleux, d'ajouts sous forme de petits tableaux associés. Et, de plus, ne s'apparentent-elles pas à un "voyeurisme", indéfinissable, savant?

 

Il faut aller voir ça, lire les textes de Séroux pour expliciter les dessous des tableaux revisités, les scènes muséales arrêtées dans l'instant,d'un ou de plusieurs regards divergents. Il faut s'impliquer dans ces images qui questionnent l'être, ses désirs, fantasmes et amours, l'amateur d'art, ses concupiscences.

 

Roger Pierre Turine

expositions 2009

2011


ECLATS

Nul doute que la nouvelle manière de peindre de Séroux « percute » la précédente, la fait voler en « éclats » du moins formellement. Si rigoureuse, hier, avec ses emboîtements rectangulés, ses figures prisonnières du cadre, elle instillait un trouble et une fascination plastique tributaire d’une chaîne infinie des regardeurs/ regardés, captés en off dans leur entreprise voyeuriste.

 

Aujourd’hui, on a perdu cette notion de perspective abyssale au profit du fragment, du détail, de la focalisation et de la dissolution du visage. C’est l’espace réel de la galerie qui surcadre, en les juxtaposant en rangs serrés, ces tableautins de bouches hurleuses, où le cri rebondit en cascade, comme un cri de guerre. La morphologie des visages féminins se délite et se tord au gré d’une encre pourpre diluée, aux tonalités de sang et de chair vive.

 

Il est toujours question de surprendre l’être face au mystère de l’objet convoité, qu‘il s‘agisse de la vérité révélée, oraculaire du tableau, ou, comme ici, de l’expérience érotique borderline.

 

Mais toute cette plasticité révulsée, qui évoque un peu les têtes « physiognomoniques » de Messerschmidt, ne laisse, paradoxalement, que peu de place au trouble. On est surtout surpris par tant de débordement pictural et plus intéressé par les déambulations aquarellées, feutrées de Sophie Calle au Palais des Beaux-Arts en quête elle-aussi de vérité révélée !

 

Danièle Gillemon


CRUSH / 21.10.2021 > 06.03.2022


Rencontres inattendues

entre design et art

Le Design Museum Brussels et le Musée d’Ixelles se lancent dans un pas de deux rythmé et spontané au gré de l’exposition Crush qui met en relation inédite des pièces de leurs collections respectives.

 

Répondant à l’invitation du Design Museum Brussels, le Musée d’Ixelles (actuellement fermé pour travaux de rénovation et d’agrandissement) sort une sélection de peintures, sculptures, photographies et autres dessins de ses réserves pour créer des liaisons heureuses et des accointances particulières avec the Plastic Design Collection.

Ce dialogue inattendu entre des objets de design et des oeuvres d’art souligne la singularité et la variété des deux collections qui se dévoilent, sans aucune pudeur, sous un jour nouveau.



Nothing


Ce titre serait-il l’évocation de ces « riens » qui composent le quotidien, notre intimité solitaire : une gorgée de café, un rayon de soleil qui se dépose sur le visage, une brise douce comme une caresse, un soupir, un regard. Ou encore, une cigarette dans un salon doté d’œuvres d’art. Moment de contemplation ? De mélancolie ?

Ou simplement de quiétude, habilement, l’artiste joue d’un probable moment d’isolement pour remplir son œuvre d’un silence feutré enveloppant.

 

Associés à ce moment particulier, la gamme colorée de cendriers d’Hiroko Takeda et Andries Van Onck ponctuent ce crush d’un sursaut d’allégresse.


Nothing

1999 Acrylique sur toile

Collection du Musée d’Ixelles / Bruxelles





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